Mintabie et les mines d’opale

Posté par le 3 août 2013 (du 09/07/2013 au 18/07/2013)
Saladolar à la mine

Saladolar à la mine

Cinq kilomètres au nord de la ville de Marla, on a quitté la Stuart Highway pour emprunter la piste qui mène à Mintabie. On avait hâte de découvrir le travail qui attendait Chris et Lucie. Un policier faisait des contrôles à l’intersection mais, comme il était déjà occupé avec une autre voiture, on n’a pas été arrêté. Du moins, pas par lui. A l’entrée de la piste, un panneau indiquait que les visiteurs étaient les bienvenus à Mintabie, qu’on arrivait en territoire aborigène et qu’il fallait un permis pour y entrer. Lucie a dit que le mineur lui avait parlé de ce panneau et qu’il lui avait dit de ne pas s’inquiéter, qu’on pouvait passer. Chris n’était pas convaincu alors on a suivi la dernière consigne du panneau :on est allé chercher plus de renseignements au poste de police. Demi-tour ; on repart à Marla. Chris et Lucie sont allés frapper à la porte du poste de police mais n’ont pas eu de réponse. Ils ont décidé d’aller interroger le policier qui faisait des contrôles. Re-demi-tour ; on repart vers la piste de Mintabie. Cette fois-ci, le policier était disponible. Il nous a arrêtés, il a fait souffler Lucie dans un appareil bizarre, il lui a demandé son permis de conduire, il nous a demandé si on suivait le Tour de France (ah, mais, oui, c’est en ce moment…) il nous a dit que c’était un coureur anglais qui gagnait, il nous a dit que lui-même était anglais, il nous a demandé si c’était nous qui étions déjà passé deux fois un peu plus tôt et il nous a donné le renseignement attendu : on peut aller jusqu’à Mintabie mais on n’a pas le droit de quitter la piste. «Si on vous dit quelque chose, dîtes que vous m’avez parlé.» Chris rassuré, on a continué notre chemin, secoué par les bosses, les creux et les cailloux. Trente cinq kilomètres plus loin, on est arrivé à Mintabie. C’est un village surprenant. Quelques mineurs chanceux ont pu s’offrir des murs en pierres de taille prélevées dans leurs mines mais la plupart vivent dans des maisons en tôles clairsemées dans le bush et reliées par de larges pistes. Notre mineur vit dans l’une d’elle. Quand on est arrivé, il n’était pas là. Il n’avait pas reçu notre message et pensait qu’on n’arriverait que le lendemain. Pourtant, il nous a accueilli chaleureusement. Son habitation de tôle poussiéreuse à l’extérieur est étonnamment confortable et propre à l’intérieur. Les chaussures peuvent rester dehors et les mouches aussi !

Mintabie

Mintabie

Après un thé d’accueil, on est allé sur le terrain. Chris a aidé le mineur à délimiter sa parcelle avec des piquets. Les piquets étaient déjà en place mais il fallait en effacer les inscriptions (d’où l’huile de coude de Chris avec un papier abrasif) pour y inscrire de nouveaux numéros. On a reçu la première leçon  toujours marcher avec les yeux rivés au sol au cas où il y aurait une opale oubliée. On a appliqué la consigne avec beaucoup de zèle mais on n’a rien trouvé. Du moins, pas ce jour-là… Le mineur a expliqué qu’il allait falloir choisir entre trois options. L’option numéro un, le « trou des coréens », était complètement incertaine. Il s’agissait d’une mine abandonnée dans laquelle avaient travaillé dix coréens. Un seul d’entre eux avait le droit d’y travailler alors, suite à un contrôle, ils ont dû quitter la mine subitement. Personne n’y avait remis les pieds depuis dix ans et on ne savait pas s’il y restait des opales. L’option numéro deux était une mine qui contient de l’opale. Elle est facilement accessible et le minage y est rapide mais il y a peu de chances qu’il y ait des opales précieuses. L’option numéro trois était une mine qui contient aussi de l’opale. Il y a une grande probabilité qu’il y ait des opales précieuses mais la mine a été inondée par les dernières pluies et le mineur estimait à trois semaines le temps de travail nécessaire pour atteindre les opales.

Le deuxième jour, le mineur est allé accomplir quelques formalités administratives pour obtenir les numéros à inscrire sur ses piquets. Pendant ce temps, Chris et Lucie faisaient une réserve de bois mort pour la douche. Ici aussi, il faut allumer un feu de bois pour avoir de l’eau chaude&nsp;! Heureusement, le mineur est bien organisé. Il a même pensé à congeler et apporter quelques morceaux de viande de chez un bon artisan boucher pour bien nourrir ses travailleurs. Au début, on dormait dans la voiture mais il a demandé à Chris et Lucie de l’aider à débarrasser et dépoussiérer un petit hangar pour qu’on puisse dormir plus au chaud. Quand ils ont eu fini, on a eu une vraie chambre avec un vrai lit, du carrelage au sol et même des tableaux aux murs ! Pourtant, Chris et Lucie trouvaient qu’ils manquaient de confort à cause de la douche. C’est qu’ils auraient des goûts de luxe ! Ca ne les dérangeait pas de devoir faire du feu tous les jours mais ils avaient du mal à s’adapter aux coupures d’eau… La pompe du village est arrêtée pendant la nuit pour faire des économies et celui qui est chargé de la démarrer et de l’arrêter n’est pas très ponctuel. En général, il la démarre entre sept heures et sept heures et demi le matin et l’arrête normalement à sept heures et demi le soir. Sauf qu’on s’est rendu compte qu’elle était souvent arrêtée plus tôt. Le dernier à aller à la douche prenait donc le risque d’être tout savonneux au moment de la coupure, même s’il n’était pas encore six heures ! Il pouvait toujours essayer de se rincer en pleurant et en pensant à l’eau bien chaude qui restait dans la cuve au-dessus du feu…

Dès que le mineur a obtenu son numéro et l’a inscrit sur ses piquets, le travail a pu commencer. Il a demandé à Lucie de conduire son 4×4 jusqu’à la mine pendant que lui allait chercher son bobcat. Passe bien sur la droite du chemin dans la côte pour éviter les grosses pierres et ne monte pas au-dessus de 1500 tours. – Ok ! Ouille, cette voiture est énorme et c’est une boîte de vitesse manuelle… (Souvenez-vous qu’en Australie, le volant est à droite.) Un escargot nous aurait sans doute dépassés mais on est arrivé à bon port. L’option numéro un a été abandonnée après que le mineur soit allé exporer le « trou des coréens » : en bas du puit de quatorze mètres, il n’a trouvé qu’une galerie sans opale qui, en plus, débouchait à flanc de falaise. On a emporté plein d’équipement à l’entrée des deux autres mines. Pendant que je surveillais le matériel, Chris et Lucie, habillés de gilets jaunes, coiffés de casques et armés de petites pioches, ont accompagné le mineur dans la galerie de l’option numéro deux. Ils cherchaient des niveaux et des verticales. Les niveaux, c’est comme des étages. La mine, à peu près horizontale, était creusée à l’endroit du niveau exploité la fois précédente. Il n’y restait plus qu’un peu d’opale sans aucune valeur appelée « potch » sous forme de fines lignes qui couraient le long des parois. Attentif à la sécurité, le mineur testait la solidité du plafond avec une barre en métal et faisait parfois tomber quelques pierres pour rendre le passage sûr. Il gardait aussi l’oeil bien ouvert pour repérer des verticales, ces sortes de larges fissures remplies d’un potch compact qui, parfois, avec de la chance, se transforme un peu plus loin en opale précieuse. Il n’y avait rien dans cette mine qui puisse laisser croire qu’un gros trésor se cachait derrière la roche mais il pensait pouvoir y trouver un peu de pierre de petite valeur. Pour que Chris et Lucie sachent un peu mieux quoi chercher, il leur a montré des photos de jolies pierres, quelques exemplaires de ce qu’il avait déjà trouvé et quelques pendentifs qu’il avait réalisés.

Profession : nooddleuse

Profession : nooddleuse

Le mineur a fabriqué des bombes (il a reçu une formation, passé un examen et obtenu une autorisation pour ça) et il a fait exploser un bout de roche. Il nous a permis d’assister à toute l’opération. On a vu comment il manipule les produits explosifs, comment il met les bombes en place, comment il allume les mèches et comment il contrôle le bon déroulement des explosions. Après que les fumées soient évacuées et les poussières retombées, il est allé inspecter les gravats. Il nous a raconté qu’une fois, il avait réduit en poussière des belles opales mais là, sans surprise, il n’y avait que de la roche. Il s’est installé sur son bobcat et a sorti les gravats de la mine. Avec Chris, il a installé une pompe dans la mine de l’option numéro trois. Ils avaient les pieds dans une espèce de glaise et de l’eau glacée jusqu’au-dessus des genoux. Lucie attendait à l’extérieur, prête à brancher la pompe. L’eau a été rejetée près de l’entrée, formant une sorte de mare. Pour que ça aille plus vite, ils ont installé une deuxième pompe. Le mineur a recommencé à mettre des bombes et enlever les gravats dans l’autre mine pendant que Chris et Lucie « noodlaient », c’est-à-dire qu’ils cherchaient des opales oubliées dans les vieux tas de pierres et de poussière. Ils ont surtout trouvé du potch mais, de temps en temps, ils trouvaient des morceaux qui avaient un petit peu de couleurs. Ca ne valait pas grand chose et même souvent rien du tout mais quelques reflets rouges, verts ou bleus suffisaient à leur bonheur. Enfin, jusqu’à ce que Chris trouve une petite pierre multicolore très jolie. Correctement taillée, elle pourrait faire un très beau pendentif. Elle a été trouvée sur le terrain du mineur mais il a dit à Chris qu’il pouvait la garder. Ca, c’était vraiment gentil ! Ce qui est étonnant, c’est que la fille du mineur (3 ans) lui avait raconté le matin-même au téléphone qu’elle avait rêvé qu’il trouvait une opale de toutes les couleurs sur la plage et que, justement, Chris l’a découverte dans du sable près de l’eau. Depuis cette trouvaille, Chris et Lucie sont devenus un peu plus difficiles à satisfaire. Chris, surtout, noodlait partout et tout le temps. Il essayait à la main, à la pelle, à la pioche, avec un tamis, à la mine, dans le village… Il a trouvé d’autres pierres devant la maison d’un ami de notre mineur. Chris les lui a montrées et il lui a dit qu’il pouvait les garder. En fait, il s’agissait de ses déchets ! L’ami est tout à coup rentré chez lui et en est ressorti avec une toute petite pierre multicolore, qu’il a offerte à Lucie. Elle est plus petite que l’ongle du petit doigt de Lucie mais elle a plein de reflets colorés qui la rendent très jolie. Moi, je n’ai pas trouvé d’opale. Ca ne sent rien du tout, ces choses-là. C’est bien plus difficile à trouver que les truffes et, en plus, ça ne se mange pas…

La belle opale trouvée à coté de la "plage"

La belle opale trouvée à coté de la « plage »

A l’occasion, le mineur racontait des anecdotes sur la région et sur Mintabie. Chris l’a questionné sur le très grand nombre d’épaves de voitures dans le village et il lui a répondu que certains mineurs mécaniciens entreposaient des voitures en panne chez eux pour avoir des pièces de rechange à disposition et que quand ils prenaient leur retraite ou s’ils devenaient subitement riches, ils laissaient tout sur place. Ca donnait une allure étrange au village. On s’est aussi étonné de l’ambiance bizarre entre les mineurs et les aborigènes, qui se saluent cordialement mais ne s’apprécient visiblement pas mutuellement. Selon le mineur, les aborigènes reçoivent de l’argent de l’état australien et ne font que conduire leurs voitures toute la journée. En tant que mécanicien, il voit d’un mauvais oeil les durs traitements infligés sur les pistes caillouteuses à des voitures citadines. « C’est pour ça que leurs voitures ne durent que trois mois ! » Il leur reproche aussi de salir le village avec leurs déchets. Il nous a conseillé d’aller visiter un village exclusivement aborigène pour nous en rendre compte par nous-même ; on y est allé et c’est vrai que c’était assez désolant. On pense que les aborigènes qu’on a croisés dans ce village et à Mintabie font partie de quelques mauvais exemples qui ternissent l’image de l’ensemble des aborigènes. On en a souvent vus passer devant chez le mineur alors que sa rue ne mène à rien de particulier. Un soir où on était là, il y en a même qui sont entrés sur sa propriété. Deux fois… On comprend maintenant pourquoi il y a tant de caméras de surveillance dans ce petit village loin de tout. Quant à la borne à essence sur laquelle il est écrit « opal », elle est réservée aux aborigènes. Il semblerait qu’ils respirent le carburant en tant que drogue avant même de savoir marcher… Les pompistes n’ont donc le droit de leur vendre que cette essence spéciale, qui serait moins néfaste pour la santé… Notre mineur a aussi parlé d’une colline : « Vous voyez la colline, là-bas ? Quand les garçons atteignent un certain âge, ils vont en haut, ils y restent trois jours et, quand ils redescendent, ils sont des hommes. Juste comme ça, sans rien faire ! » Il dit qu’avant, certains aborigènes travaillaient dans les mines ou noodlaient mais que, maintenant, ils ne font plus rien du tout et se contentent de dépenser l’argent qu’ils reçoivent. Ca nous a rappelé les impressions qu’on a eues à Coober Pedi. On espère que notre voyage nous donnera l’occasion de rencontrer des aborigènes qui changeront l’image qu’on est en train d’avoir d’eux.

La voiture de l'infirmière

La voiture de l’infirmière

Malheureusement, le mineur est tombé malade après seulement quelques jours. Il ne savait pas exactement ce qu’il avait mais il souffrait beaucoup. Il n’arrivait plus à manger, s’affaiblissait et à fini par passer ses journées à dormir. Il pensait pouvoir se remettre de lui-même mais il a dû se résigner à appeler une infirmière. On a été un peu surpris à son arrivée. Elle est équipée pour partir en mission dans le bush ! Elle a un gros 4×4 avec une énorme antenne radio et un joli logo : Frontier Services, Serving Outback Australia. Quand elle est partie, le mineur a dit qu’elle allait lui faire d’autres soins à sa clinique. Il s’est fabriqué une sorte de lit à l’arrière de son 4×4 et Lucie s’est improvisée ambulancière sur quarante kilomètres de piste abîmée. Elle dit qu’elle a essayé de conduire en douceur mais que son patient était très secoué. Tout ça pour rien puisqu’il n’allait toujours pas mieux. Elle a refait le voyage après quelques jours pour aller lui chercher un autre médicament. L’infirmière en a profité pour s’épargner un aller-retour à Mintabie en confiant aussi à Lucie le médicament d’un autre patient. Vous l’auriez vue slalomer tranquillement entre les ornières en passant les vitesses avec la main gauche… C’est à se demander si les routes ardennaises seront encore sûres à notre retour ! Moi, je regarderai à deux fois avant de sortir du sous-bois ! Mais revenons en Australie…

La red-back de Lucie

La red-back de Lucie

Le mineur allait de mal en pis et a bien été obligé d’écouter l’infirmière qui voulait, depuis le début, qu’il se fasse transporter en avion à l’hôpital d’Alice Spring. Il n’y a que deux cent cinquante habitants à Mintabie mais il y a une piste d’atterrissage. Économe et encore têtu, il a choisi d’y aller en voiture. Chris, Lucie et un autre mineur l’ont aidé à ranger ses machines et ses outils. Pas facile de quitter la mine alors que le travail ne faisait que commencer… Malgré son état, il a jeté un coup d’œil à notre voiture, un peu bruyante au démarrage ces derniers jours. Pas de souci, elle est en bon état. Il vaudrait quand même mieux changer une courroie, c’est à cause d’elle tout ce bruit. Mais ça peut attendre, il suffit de laisser le moteur chauffer avant d’accélérer. Il a aussi dit qu’en changeant le filtre à air, Chris et Lucie feraient plus d’économies en carburant que ce que leur coûterait le filtre. En attendant, il l’a nettoyé. Quant aux pneus, il les a trouvés un peu usés (forcément…) mais encore bons. Désolé de ne pas pouvoir les rémunérer pour leur travail (puisqu’aucune opale n’a été sortie de la mine) il a offert a Chris et Lucie un des pendentifs qu’il a fabriqué. C’est un moulage en argent d’un os de poisson avec une opale dessus. C’est un très joli souvenir. Il y a aussi autre chose que Lucie retiendra de ses derniers jours à Mintabie : c’est sa rencontre avec une araignée. Alors qu’elle collectait du bois pour allumer le feu, elle a vu une red back sur un pot de fleur. Elle était petite (donc pas très dangereuse) elle n’avait pas envie d’attaquer (comme toutes les red back) et, en plus, elle a bien voulu prendre la pause pour les photos !

Alors que le mineur prenait la route pour l’hôpital en cinq heures de covoiturage, Chris et Lucie faisaient faire les gros yeux aux guichetier du petit bureau de poste de Mintabie, à qui personne n’avait jamais demandé à acheter des timbres pour la France. Puis, on a aussi pris la route en direction d’Alice Spring mais en passant par quelques lieux emblématiques de l’Australie centrale…

Le trésor de Chris

Le trésor de Chris

6 commentaires à Mintabie et les mines d’opale

  1. marie-Jeanne, le 03/08/2013 19:01:15 +10:00

    Magnifique reportage sur Mintabie et très agréable à lire grâce à l’humour de Saladolar :-)
    Chris et Lucie ont découvert le métier de mineur, dommage pour eux que ce séjour ait été abrégé à cause de la maladie de leur employeur. Celui-ci s’est montré très sympathique avec eux malgré tout.
    Encore une aventure qui se termine pour vous trois…Merci de nous l’avoir fait partagée.
    Bonne continuation et bisous à tous les trois.

  2. La Gélinotte, le 04/08/2013 06:02:49 +10:00

    eh bien, en voilà encore des aventures.

  3. Flore, le 06/08/2013 03:06:46 +10:00

    Avez vous eu des nouvelles du mineur par la suite?

    1. Chris, le 06/08/2013 09:43:19 +10:00

      Non, pas encore. On a voulu lui rendre visite à l’hôpital d’Alice Springs mais on nous a dit qu’il n’y était resté que deux jours. Il est peut être parti à l’hôpital d’Adélaïde ensuite.

  4. Damien, le 07/08/2013 19:22:01 +10:00

    Une bonne personne que ce mineur, cela doit faire plaisir dans ce monde sauvage.
    Damien

  5. marie-Jeanne, le 10/08/2013 01:39:22 +10:00

    Merci pour ces 2 nouvelles photos de la belle opale trouvée à côté de la «plage» et du trésor de Chris.